Misérable
Publié le 25 Novembre 2007
Armand a 7 ans. Tout juste. C'est un pauvre gosse. Trimballé de foyers de placements au domicile de sa maman depuis sa naissance. Parce qu'elle n'assure pas les troubles du comportement de son fils. Parce qu'elle n'assume plus sa vie de temps en temps. Armand vit très mal le placement en foyer. Lui qui ne peut vivre qu'en contact physique avec sa maman, l'éloignement le rend fou. Mais lorsqu'il est chez sa maman, c'est elle qui a du mal à supporter l'amour fusionnel de son fils. Elle le prend contre elle, le repousse aussi vite et joue avec son coeur blessé en permanence.
En classe, Armand rejoue sans cesse ces scènes d'amour vache. Il nous serre dans ses petits bras dodus et costauds d'une force incroyable et nous frappe à coup de poings et de pieds tout aussi vite.
Armand s'attaque tout aussi bien aux enfants de notre classe, qu'aux autres dans la cour, aux adultes qui l'entourent, aux objets... Il est en souffrance 24 h sur 24. Il est hospitalisé une partie de la semaine en hôpital de jour pour enfants puis vient dans notre CLIS le reste du temps.
C'est lui qui m'a blessée. Je ne lui en veux pas. J'ai ai eu mal et peur, ça oui. Mais l'empathie que j'éprouve pour ce petit gamin dépasse tout.
J'ai été convoquée par l'Inspectrice de ma circonscription cette semaine. Elle voulait savoir comment j'allais, si je n'étais pas traumatisée, si j'allais reprendre le travail. Oui, je reprends le travail, pas question de m'arrêter pour si "peu".
A la fin de notre entretien, elle m'a dit qu'elle prendrait les décisions qui s'imposent .
Hier elle est passée en classe pour nous annoncer un signalement judiciaire de l'enfant, et le risque qu'il soit encore retiré à sa maman. Cela faisait seulement 15 jours qu'il avait réintégré le foyer familial...
Je ne saurais dire quels sentiments m'assaillent. Ils sont de plusieurs sortes :
- oui, cet enfant présente un danger pour lui-même et pour les autres.
- il est d'une violence rare et déjà sous Ritaline (médicament pour les enfants hyperactifs...)
- oui il aurait pu s'attaquer à un autre enfant de la classe et les parents pouvant porter plainte contre moi, j'aurais pu me retrouver en garde à vue pour défaut de surveillance et blessure grave ou irréversible.
- oui, je suis plus grande que lui et il aurait pu blesser un autre enfant aux yeux, et oui, on a frôlé le pire.
Mais à l'annonce du signalement judiciaire de ce gamin, j'ai ressenti comme une sorte de culpabilité. C'est à cause de moi peut-être et de cette blessure qu'il va de nouveau partir en foyer. La situation risque d'empirer. Sa violence sera sans limites. Il risque alors de quitter l'école pour une hospitalisation à 100%...
Est-ce que le fait que je ne sois pas diplômée pour ce genre de classe qui a amené cette situation ? Aurais-je dû agir autrement ?
Je connais ce sentiment comme ma poche. C'est la fameuse culpabilité de la victime qui cherche à comprendre comment on en est arrivé là. En même temps, je n'avais pas le choix que de signaler tout ça. Le reste des événements ne dépend pas de moi. Mais je me sens misérable.
En classe, Armand rejoue sans cesse ces scènes d'amour vache. Il nous serre dans ses petits bras dodus et costauds d'une force incroyable et nous frappe à coup de poings et de pieds tout aussi vite.
Armand s'attaque tout aussi bien aux enfants de notre classe, qu'aux autres dans la cour, aux adultes qui l'entourent, aux objets... Il est en souffrance 24 h sur 24. Il est hospitalisé une partie de la semaine en hôpital de jour pour enfants puis vient dans notre CLIS le reste du temps.
C'est lui qui m'a blessée. Je ne lui en veux pas. J'ai ai eu mal et peur, ça oui. Mais l'empathie que j'éprouve pour ce petit gamin dépasse tout.
J'ai été convoquée par l'Inspectrice de ma circonscription cette semaine. Elle voulait savoir comment j'allais, si je n'étais pas traumatisée, si j'allais reprendre le travail. Oui, je reprends le travail, pas question de m'arrêter pour si "peu".
A la fin de notre entretien, elle m'a dit qu'elle prendrait les décisions qui s'imposent .
Hier elle est passée en classe pour nous annoncer un signalement judiciaire de l'enfant, et le risque qu'il soit encore retiré à sa maman. Cela faisait seulement 15 jours qu'il avait réintégré le foyer familial...
Je ne saurais dire quels sentiments m'assaillent. Ils sont de plusieurs sortes :
- oui, cet enfant présente un danger pour lui-même et pour les autres.
- il est d'une violence rare et déjà sous Ritaline (médicament pour les enfants hyperactifs...)
- oui il aurait pu s'attaquer à un autre enfant de la classe et les parents pouvant porter plainte contre moi, j'aurais pu me retrouver en garde à vue pour défaut de surveillance et blessure grave ou irréversible.
- oui, je suis plus grande que lui et il aurait pu blesser un autre enfant aux yeux, et oui, on a frôlé le pire.
Mais à l'annonce du signalement judiciaire de ce gamin, j'ai ressenti comme une sorte de culpabilité. C'est à cause de moi peut-être et de cette blessure qu'il va de nouveau partir en foyer. La situation risque d'empirer. Sa violence sera sans limites. Il risque alors de quitter l'école pour une hospitalisation à 100%...
Est-ce que le fait que je ne sois pas diplômée pour ce genre de classe qui a amené cette situation ? Aurais-je dû agir autrement ?
Je connais ce sentiment comme ma poche. C'est la fameuse culpabilité de la victime qui cherche à comprendre comment on en est arrivé là. En même temps, je n'avais pas le choix que de signaler tout ça. Le reste des événements ne dépend pas de moi. Mais je me sens misérable.